Dans la tradition japonaise, le maitre n'aime pas beaucoup les explications directes, explicites. L'élève devait percevoir la technique montrée par le maitre? J'ai très rarement vu maitre Noro donner des explications cartésiennes, géométriques. Il n'expliquait pas les mouvements.
Dans ce post, je me cantonne pas au discours ancrés dans la tradition (dans cette perspective, le lien suivant explique beaucoup de choses intéressantes https://surlespasdemars.wordpress.com/2017/09/18/mitori-geiko/ ). Je propose de voir comment la neuroscience donne un nouvelle éclairage à cette tradition.
L'élève ne voit pas l'enseignant comme la vache voit le train passer; il a un regard actif. Je vais faire deux hypothèses sur ce regard actif, 1° l'élève imagine ce qu'il voit. 2° il y a une activation des neurones miroir.
Dans une première façon de comprendre Mitori-geiko, l'élève voit le mouvement et le recompose dans son cerveau. Il refait une ou plusieurs fois le mouvement dans son cerveau. Il entraine son cerveau à faire le mouvement. De nombreux neuro-scientiste (dont Norman Doidge: The Brain That Changes Itself) ont observé que la pratique mental d'une activité permettait de mieux faire l'activité. Les hospitalisées qui pratiquent beaucoup les mouvements mentalement pendant leur immobilisation, récupèrent leurs facultés physique rapidement. Feldenkrais suggérait de faire une révision mental de certains exercices. On a l'exemple de musicien qui ont préparé une interprétation par la seule lecture de la partition.
Les chaines musculaires ne sont pas seulement une réalité de fascias, muscles et tendons. Quand une synergie musculaire est répétée, il se forme des liaisons neuronales qui regroupent l'ensemble physiologique qui travaille de concert. Par le regard, ces liaisons neuronales sont stimulées.
En regardant activement le maitre, l'élève stimule ses neurones moteurs; ce qui préparent son action.
En réalité, les neurones miroirs désigne un comportement particulier des neurones moteurs. Par exemple, si je vois quelqu'un sauter, mes neurones moteurs qui correspondent à cette action sont stimulés. C'est pourquoi, il arrive d'avoir des mouvement physique quand on regarde un film. Chez un observateur, que se soit par la vue ou par l'ouïe, la perception d'une action stimule les neurones moteurs nécessaire à l'exécution de l'action. Alors oui, l'élève qui regarde le maitre faire une technique peut avoir son cerveau qui mime l'action du maitre. En vivant l'action, dans son cerveau, l'élève est préparé à la faire.
On remarquera que le phénomène "miroir" est d'autant plus fort quand l'observateur a déjà fiat lui-même le mouvement observer. Dans une troupe de danse classique, les neurones miroirs ont été observés quand un danseur faisait un porté (soulevait une danseuse); les neurones miroirs des hommes était beaucoup plus actifs. Comme les danseuses ne font pas l'action de porté ("seul les hommes portent les femmes" dans ce genre de compagnie), elles n'ont pas la programmation neuronale de l'action "porté" qui pourrait être réactivée par l'observation. L'élève sera d'autan plus sensible que ses neurone identifie chez le maitre des séquences qu'il les a déjà exécutées.
En voyant le maitre, l'élève se sent faire la technique.
En simplifiant de façon erronée, dans le modèle pédagogique occidental, explicatif, le professeur décrit avec des mots l'action à faire, où il peut user des ses mains pour mettre l'élève dans la bonne position.
Avec un "regard actif", on se prépare déjà à faire le mouvement. à l'opposé l'élève qui obéit passivement au professeur stimule beaucoup moins ses neurones moteurs. Il semble qu'il y ait une différence entre "l'exécution d'un mouvement à partir d'une description abstraite" et "l'exécution d'un mouvement à partir de sa reconstruction par le cerveau, soit en mode miroir ou autrement"... Ceux sont là des pistes à explorer, à sentir...
Toutefois, il doit y avoir quelques limites au principe "mitori geiko". Il suppose que l'élève a la capacité de voir ce que fait le maitre. Quand des personnes n'ont jamais initié à la perspective, ni personnellement, ni par la culture de leur société, elles n'arrivent pas à décoder et comprendre des dessins utilisant la perspective; pour percevoir la perspective, il faut y avoir été initié! Sans faire d'épistémologie, généralement on ne voit que ce que l'on connait. Beaucoup d'élèves débutants sans les clefs auront du mal à voir, à déchiffrer les mouvements du maitre et encore moins arriveront à les reproduire. La progression est limité par la capacité de l'élève à voir et déchiffrer ce que fait le maitre! est-ce nécessaire d'attendre que par lui-même l'élève arrive à décoder les mouvements du maitre? est-ce que cela ne sélectionne pas implicitement les seuls élèves qui ont la capacité à déchiffrer par eux-mêmes les mouvements ? Les explications occidentales sont-elles une aide qui permet de déchiffrer plus vites ? Les explications occidentales sont-elles suffisantes ou complémentaires des traditions orientales ? y a-t-il d'autres voies ?
Nous avons vu deux schémas de la neuroscience qui suggèrent une explication "occidentale" à une tradition japonaise.
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